HISTORIQUE DU NEW BURLESQUE.

LE BURLESQUE


Elles ne se mettent pas à poil, elles font bien pire : elles font rêver. L’art des allumeuses (les «teaseuses») renaît de ses cendres, sous une forme ironique et décalée appelée Néo-Burlesque.


Pour la majorité des gens, le mot «strip-tease» évoque un univers triste de clubs éclairés de néons criards, dans des quartiers voués au sexe commercial…, il faut remonter aux origines du nu féminin pour en saisir la portée profondément belle et révolutionnaire. «Durant des siècles, les femmes -éternel symbole vivant de l’amour, de la fécondité– ont dansé et se sont dénudées pour les dieux», Rémy Fuentes.


Dès IIe millénaire avant notre ère, l’Epopée de Gilgamesh chante déjà: «Le voici, femme! / Défais ta boucle / Dévoile tes charmes / Ne recule pas, excite sa convoitise!». Les prêtresses de cultes païens ignorent la pudeur: en Inde, elles font tomber les voiles pour Kalie. En Égypte pour Isis. A Babylone pour Ishtar, rebaptisée Astarté en Phénicie, Aphrodite en Grèce et Vénus à Rome, la déesse de la beauté et des orgies… Les chrétiens -qui imposent leur tabou sur la chair-, ne font qu’exacerber le désir de voir les femmes nues. Associées au démon, qui excite la convoitise, les «filles en tenue d’Eve» deviennent les symboles du péché. Sous l’influence de l’Eglise, la nudité se transforme en vision d’Apocalypse (du grec apokalupsis: révélation, dévoilement) de la condition humaine.


«Eve révèle la base même de l’érotisme, lequel flirte avec la mort, l’éternité étant perdue à jamais» raconte Rémy Fuentes. Pas étonnant que les strip-tease soient inventés au XIXe siècle: la répression sexuelle, qui atteint alors des sommets, oblige les femmes à se ficeler dans un carcan de corsets, faux-culs, chemises, caleçons et jupons si épais qu’il faut trente minutes pour la première strip-teaseuse historique –Blanche Cavelli– avant de se retrouver nue… ou presque. Morale oblige, elle garde un négligé et un pantalon de soie qui rendent les spectateurs rouges comme des écrevisses. Nous sommes en 1894. Le déshabillage de Blanche Cavelli lance la mode des «gommeuses», des «artichauteuses» des «décarpilleuses» et des «effeuilleuses»…


Aux États-Unis, la tradition des «burlesques» remonte aux années 30: «Soixante ans avant les «dirrrty» girls, Lili St Cyr faisait la pirouette dans les clubs de Las Vegas, inaugurant l’ère des tentatrices dénudées… Maintenant, il existe des milliers de strip-teaseuses, mais à l’origine il n’y en avait qu’une poignée». Dans un article consacré au Burlesque, Tanya L. Edwards rappelle les noms de ces pionnières: Lili St. Cyr, Dixie Evans, Bettie Page, Blaze Starr, Tempest Storm… Ces radieuses jeunes filles resteront gravées dans l’histoire comme les premières ingénues libertines de l’ère nucléaire. Leur histoire commence dans la semi-clandestinité, quand aux USA un libraire appelé Irving Klaw lance des photos de pin-ups qui se crêpent le chignon. Elles font semblant de se battre en gloussant et trépignent sur leurs talons de 20 cm… Tout ça bien sûr dans l'hilarité générale, car les débuts du bondage américain coïncident avec l'essor du mambo et du style "jungle": c'est la comédie du bonheur!


A cette époque, les ménagères passent l'aspirateur sur un air de tcha tcha tcha et Bettie Page pose en petite culotte de fourrure de tigre. Elle voulait devenir chanteuse à Hollywood. Elle restera célèbre pour ces photos cheesecake ("jambes nues") hyper-kitschs armée d’un soutien-gorge obus et de cet air malicieux inoubliable, cette espièglerie détonante qui fait d'elle l'icône de l’érotisme bon enfant. Hélas, la loi interdit cette explosion de charme dénudé. Les films de Burlesques sont vendus sous le manteau. Les modèles sont poursuivies pour atteintes aux bonnes mœurs. En 1957, Irving Klaw est inculpé de "felony conspiracy" parce qu'il distribue du matériel obscène par la poste. Pour éviter la prison, il détruit presque toutes les photos avant de tomber malade puis de mourir. En 1958, quittant Hollywood et ses rêves inaboutis, Bettie Mae Page – la pin-up de Nashville- disparaît totalement, dans l’indifférence générale. Sa gaieté et sa fantaisie resteront pourtant des modèles.


Bettie Page est encore vivante –ne serait-ce qu’à travers ses innombrables imitatrices: elle a piétiné les conventions à coups de talons si joyeux que de nombreuses années plus tard, tirant leur idole de l’oubli, une génération entière de jeunes femmes adopte sa frange droite et son rouge à lèvre sanglant comme les marques de leur féminité: glamour et enjouée. «Les femmes ont enfin compris que pour être féministes, elles doivent d’abord être féminines, affirme Nina Bozak, chorégraphe de shows burlesques. Être une pin-up, c’est être parfaitement consciente de son pouvoir de séduction, allier l’élégance à l’humour et se moquer des interdits». Message reçu cinq sur cinq: pour être séduisante, il faut avant tout être fière de son corps.


Les danseuses de Burlesque n’étaient pas des haricots. Elles avaient des seins et des popotins d’hippopotame mais elles mettaient tous les hommes à leurs pieds… parce qu’elles irradiaient d’assurance. Depuis le début des années 90, dans la lignée du Pussy Power, le strip-tease Burlesque fait donc un come-back fulgurant par l’intermédiaire d’artistes aux noms plus explosifs que leurs ondulations de hanche… A Paris, au forum de la Bellevilloise, vous retrouverez Kitten on the keys, Inga la douce, Miss Marion, Lalla Morte, Eva la vamp, Cerise diva Champomy et le Cabaret des filles de joie au grand complet pour 5 jours de bonheur et cinq nuits de visions fatales… Pour elles, jouer les séductrices en nuisette rose bonbon, c'est la meilleure manière de se libérer. Perpétuant le mauvais esprit des années 40-50, les artistes du Burlesque détruisent gaiement l’image de la femme-potiche. A mort les poupées Barbie !  «Avant d’être un genre de spectacle, le nouveau burlesque serait d’abord une attitude», résume Cécile Camart dans le livre New Burlesque, qui résume le message de ce nouveau mouvement féministe: «Mettez-en plein la vue».

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